Évaluation de la maturité de l’entreprise en matière de durabilité
Les achats durables s’inscrivant dans la démarche RSE de l’entreprise, il convient de s’intéresser en premier lieu à l’implication des dirigeants en matière de développement durable. C’est un indicateur important qu’il faut considérer dans l’état des lieux. Il convient de s’intéresser si les enjeux environnementaux et sociétaux sont présents dans la vision, la mission et les objectifs stratégiques de l’entreprise et si les dirigeants ont la volonté de les décliner dans la stratégie achats.
Une implication forte des dirigeants va permettre de donner l’impulsion nécessaire pour mener une stratégie complète d’achats durables et d’en assurer le succès à long terme. Elle va faciliter l’allocation des ressources nécessaires et la collaboration entre les départements. Elle permet également la mise en place de systèmes d’évaluation et de suivi pour mesurer l’impacts des pratiques d’achats sur la RSE et la durabilité.
A l’inverse, si les dirigeants ne sont pas encore mobilisés sur les enjeux de durabilité, la stratégie devra s’y adapter à travers d’initiatives pilotes par exemple.
Évaluation de la maturité des achats
Après s’être intéressé aux objectifs globaux de l’entreprise, intéressons-nous aux pratiques d’achats.
Votre état des lieux commence par une cartographie de vos processus d’achat. Elle consiste à retracer chaque étape, de l’expression du besoin à la gestion de la fin de vie des produits. Elle peut se faire en trois temps. D’abord, il faut identifier les étapes clés. De manière générale, les différentes étapes d’un processus achat sont les suivantes : définition du besoin, qualification des fournisseurs, consultation et négociations, sélection du fournisseur et contractualisation, suivi du contrat, réception, évaluation. Ensuite, vous pouvez représenter ces étapes graphiquement pour matérialiser les interactions entre les services. Enfin, il faut analyser les flux physiques, financiers et d’information. Cette vision révèle les opportunités d’intégrer des critères de durabilité à chaque étape de votre processus d’achat.
Pour réaliser cette cartographie de manière efficace, il est recommandé d’utiliser des outils spécialisés tels que les diagrammes de flux (Business Process Modeling Notation) ou des logiciels spécialisé. Ces outils permettent de visualiser clairement les interactions entre les différents services impliqués dans le processus d’achat, comme la direction des achats, la logistique et le département RSE. Une analyse approfondie des flux peut également révéler des opportunités d’optimisation, comme la réduction des déchets ou l’amélioration de la traçabilité des produits
Ensuite, l’examen des politiques et procédures d’achats révélera si la durabilité y occupe une place formelle ou marginale. Cela consiste en la collecte des documents existants tels que la politique d’achat, charte éthique, le code de conduite des fournisseurs ou encore les procédures de passation de marchés puis la vérification de la présence de considérations environnementales, sociales ou éthiques. Une évaluation pour chacun des documents des points forts et des points à améliorer enrichira votre état des lieux.
Il est important de comparer ces documents avec les standards du secteur, comme la norme ISO 20400 sur les achats responsables. Cette comparaison permettra d’identifier les lacunes potentielles et les domaines d’amélioration. De plus, il est indispensable de vérifier si ces politiques et procédures sont effectivement mises en pratique ou si elles restent simplement des déclarations d’intention.
Dans la continuité, l’évaluation des critères de sélection des fournisseurs est un indicateur fort de la maturité des achats en matière de durabilité. En plus des critères traditionnels de coût, qualité et délais, la présence de critères durables ainsi que leur niveau de pondération déterminent l’engagement des achats pour les enjeux sociaux et environnementaux.
Cette évaluation peut inclure l’examen des certifications demandées aux fournisseurs (comme ISO 14001 ou SA8000), l’analyse de leur performance en matière de RSE, et la vérification de leur conformité aux normes internationales du travail. Il est également important de considérer comment ces critères sont appliqués dans la pratique et s’ils influencent réellement les décisions d’achat.
Enfin, l’examen des contrats existants et de leur mise en œuvre permet d’avoir un indicateur concret sur la prise en compte réelle avec les fournisseurs des considérations sociales et environnementales. Vous pouvez également profiter de cette étape pour identifier les attentes de vos fournisseurs tant en termes de clauses contractuelles, de bonus pour des innovations durables ou encore pour un accompagnement.
Cette analyse des contrats peut révéler des opportunités d’amélioration, comme l’intégration de clauses de performance environnementale ou sociale, la mise en place de systèmes de bonus-malus liés à des objectifs de durabilité, ou encore la définition de plans d’action conjoints pour améliorer la performance durable de la chaîne d’approvisionnement.
Par ailleurs, l’identification des compétences existantes en matière d’achats durables au sein de l’équipe et les besoins de formation est également une composante importante de votre état des lieux.
Cette évaluation des compétences peut s’appuyer sur des référentiels reconnus dans le domaine des achats durables. Elle peut inclure des aspects tels que la connaissance des réglementations environnementales, la capacité à analyser le cycle de vie des produits, ou encore la maîtrise des outils de reporting RSE. Il est également important d’identifier les besoins en formation pour combler les lacunes éventuelles et préparer l’équipe aux défis futurs en matière d’achats durables.
Analyse des données, indicateurs et outils existants
L’exploitation des données est un élément clé dans une stratégie d’achats durables. L’examen des données, indicateurs et outils déjà disponibles peut fournir des informations précieuses pour l’établissement d’une base de référence. Cette analyse approfondie permet non seulement de comprendre la situation actuelle, mais aussi d’identifier les opportunités d’amélioration et les domaines nécessitant une attention particulière.
L’identification des indicateurs clés de performance (KPI) existants liés aux achats et à la durabilité constitue le point de départ. Ces KPI peuvent inclure des mesures telles que le pourcentage de fournisseurs évalués en fonction de leur performance RSE, le taux de matières premières éco-responsables achetées, ou encore le niveau de conformité aux normes sociales et environnementales. En examinant ces indicateurs, les entreprises peuvent obtenir une vue d’ensemble de leurs performances actuelles en matière d’achats durables.
Ensuite, l’analyse des capacités actuelles de l’entreprise en matière de collecte et de reporting des données liées à la durabilité des achats est essentielle. Cette étape implique d’évaluer les systèmes et processus en place pour la collecte, le stockage et l’analyse des données pertinentes. Il est important de comprendre quelles données sont actuellement disponibles, comment elles sont collectées et si elles sont suffisantes pour répondre aux exigences croissantes en matière de reporting durable.
Il conviendra d’évaluer la fiabilité et la précision des données existantes pour s’assurer qu’elles peuvent servir de base solide à la définition des objectifs. Cette évaluation peut impliquer des audits internes ou externes des processus de collecte de données, ainsi que la vérification de la cohérence des données entre les différents systèmes et départements de l’entreprise.
De plus, l’intégration de solutions basées sur les données dans la stratégie d’achats offre une plus grande transparence et permet aux décideurs d’avoir une vision claire sur la performance des fournisseurs, les coûts cachés et les délais de livraison. L’utilisation d’outils de Business Intelligence et d’analyses prédictives peut aider à identifier des opportunités d’économies, à mieux négocier avec les fournisseurs et à éviter des dépenses inutiles.
Il est également important de considérer les nouveaux défis liés à la collecte et à la gestion des données, notamment dans le contexte des réglementations émergentes comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Les directions achats doivent développer de nouveaux KPI pour assurer la conformité et promouvoir des pratiques d’achats responsables, tels que la cartographie des risques dans la chaîne d’approvisionnement et la mise en place de plans de vigilance.
Enfin, il est important de noter que la collecte et la gestion des données représentent un défi considérable pour les responsables achats, qui sont souvent confrontés à des sources multiples de données et à un manque de moyens et de temps pour mener à bien ce travail. Surmonter ces obstacles est essentiel pour établir une base solide pour une stratégie d’achats durables efficace et mesurable.
Évaluation de la conformité réglementaire
Dans le contexte actuel, les entreprises font face à un paysage réglementaire de plus en plus complexe en matière de durabilité. La directive européenne sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD) est un exemple clé de cette évolution. Cette directive exige des grandes entreprises et des sociétés cotées qu’elles publient des rapports réguliers sur les risques sociaux et environnementaux auxquels elles sont confrontées, ainsi que sur l’impact de leurs activités sur les personnes et l’environnement.
La mise en place d’une stratégie d’achats durables peut contribuer significativement à la conformité réglementaire de l’entreprise. Par exemple, en adoptant des critères de sélection des fournisseurs basés sur leur performance environnementale et sociale, l’entreprise peut non seulement réduire ses risques réputationnels et opérationnels, mais aussi se préparer à répondre aux exigences de reporting de la CSRD. La collecte et la gestion des données abordées précédemment est également un enjeu pour assurer cette conformité règlementaire.
Il est également important de noter que le paysage réglementaire évolue rapidement. Par exemple, la Commission européenne a récemment proposé des modifications visant à simplifier les règles de l’UE et à stimuler la compétitivité. Ces changements pourraient avoir un impact sur les obligations de reporting en matière de durabilité pour certaines entreprises. Une veille réglementaire constante, en collaboration avec les services juridiques et financiers, est donc indispensable pour adapter la stratégie d’achats durables aux évolutions réglementaires.
Enfin, l’intégration des considérations de durabilité dans les processus d’achat peut également aider l’entreprise à anticiper les futures réglementations et à se positionner comme un leader dans son secteur. En adoptant une approche proactive, l’entreprise peut non seulement se conformer aux réglementations actuelles, mais aussi se préparer aux exigences futures, renforçant ainsi sa résilience et sa compétitivité à long terme.